FIL DE TRIBUNES

Femmes et sport : Etat des lieux

Dominique Crochu

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Femmes et sport : Etat des lieux à l’heure de la deuxième édition des « 24h du Sport Féminin » le samedi 24 janvier

Un an après la conférence « Pour plus de médiatisation du sport féminin » organisée par le Think Tank Sport et Citoyenneté en novembre 2013, il est intéressant de faire le point et d’analyser les progrès mais aussi le chemin qu’il reste à parcourir, alors que va débuter la seconde édition des 24h du Sport Féminin.

Cette question est à lier à l’évolution de la place de la femme dans la Société : le sport a été inventé, pratiqué et administré par et pour les hommes. Pourtant, les femmes s’y impliquent de plus en plus, par envie, par plaisir ou pour leur épanouissement personnel.

Quelques rappels…

Le pourcentage actuel des Françaises pratiquant une activité sportive est d’environ 50%, un chiffre supérieur à la moyenne européenne qui se situe à 37%.
Entre 1967 et aujourd’hui, le nombre de licenciées est passé de 500.000 à 6 millions tous sports confondus. Contrairement aux idées reçues, les femmes aiment le sport mais elles se sont longtemps heurtées à de nombreux obstacles. L’autorisation de la pratique sportive de certaines disciplines par les femmes ne date que de quelques décennies malgré quelques velléités au début des années 20. Cette longue interdiction ne s’est réellement terminée dans certains sports que récemment avec une reconnaissance en 1970 pour le football ou en 1980 pour le rugby, par exemple.
Le sport et les femmes partent de très loin pour trouver une véritable reconnaissance et donc une vraie place dans cet univers encore très masculin. La présence des femmes aux postes à responsabilités des rédactions est d’ailleurs toujours aussi rare, en particulier dans les médias sportifs.
L’élection d’un nombre plus important de femmes à des postes stratégiques dans la gouvernance de tous les secteurs du sport français et à tous les échelons serait une véritable perspective de progrès.

J.O : perspective d’équité

Le Comité International Olympique a adopté à l’unanimité, fin 2014, une recommandation visant à parvenir à une parité parfaite entre les athlètes hommes et femmes, d’ici aux J.O 2020. Cette volonté ouvrirait donc une possibilité de médiatisation accrue des femmes athlètes.

Médiatisation du sport féminin : des tentatives de promotion

La proposition faite en novembre 2013 par Madame Valérie Fourneyron, Ministre des Sports, de la Jeunesse, de l’Education populaire et de la Vie associative lors de la table ronde organisée par Sport et Citoyenneté a été respectée. L’Etat a en effet tenu son engagement de subventionner en partie la médiatisation de certains évènements sportifs féminins, grâce à un fond dédié du Centre National du Développement du Sport. Le mouvement sportif féminin salue et remercie Mme Fourneyron de ce premier acte concret.

Lors de ces mêmes débats, Christine Kelly avait lancé l’organisation des « 24h du sport féminin» qui ont eu lieu en janvier 2014 et qui ont été un franc succès. Fidèle à son engagement, elle met en place cette année le deuxième rendez-vous mais a déjà indiqué à plusieurs reprises que cette journée n’avait pas vocation à être pérennisée : cela signifierait que les progrès attendus sont insuffisants.

Selon les chiffres disponibles, la diffusion de sport féminin à la télévision a augmenté et serait passée d’environ 7% à 15% de la totalité des programmes sportifs, ce qui reste un taux très bas et insuffisant. De nombreux événements peuvent potentiellement être retransmis à la télévision : les rencontres amicales et officielles des Equipes de France, les matchs de clubs dans des compétitions nationales et internationales, les différents meetings et tournois internationaux, etc. Or, l’approche actuelle est clairement influencée par la question des droits TV commercialisables et gérés selon les codes marketing du « sport business »… Le sport féminin en est-il vraiment là dans sa globalité ? Rien n’est moins sûr…

Quel potentiel pour l’industrie des médias en matière de sport féminin ?

Une étude réalisée en 2013 par Havas Sport indique que 70% des Français trouvent le sport féminin tout aussi intéressant que le sport masculin.
Le sport féminin semble avoir un potentiel de public à la fois masculin et féminin de plus en plus important, en témoignent certaines audiences télévisuelles marquantes lors des coupes du monde de football en 2011 et de rugby en 2014.

La demi-finale à domicile de la France contre le Canada lors de la Coupe du Monde de rugby le 13 août 2014, avait frôlé le record historique de la TNT avec près de 2.2 millions de téléspectateurs, record d’ailleurs toujours détenu par… le football féminin et sa demi-finale de Coupe du monde en 2011 entre la France et les Etats-Unis diffusée sur Direct 8 et qui a réuni 2,4 millions de téléspectateurs !
La qualité de jeu pratiquée et les résultats sportifs de ces deux Sélections tricolores ont entretenu la fidélité de ce nouveau public sur toute la durée des épreuves.

Ainsi, ces chiffres montrent que la performance sportive, les exploits personnels ou collectifs permettent une lente mais non négligeable médiatisation du sport féminin, et ce à travers des supports médiatiques très divers.

Des pistes encourageantes

Eurosport, dans sa stratégie générale, a fait de la diffusion d’événements sportifs féminins une priorité. Simon Arnaud, Directeur Général d’Eurosport France, est catégorique sur la question : «Ce n’est pas une option, c’est une obligation ». La chaîne payante a lancé en septembre le magazine hebdomadaire (lundi soir – 22.45) « Femmes 2 Foot ». Cette émission est la première dédiée spécifiquement à un seul sport féminin ! La chaîne a aussi obtenu les droits de tous les matches de la Coupe du Monde féminine en 2015 au Canada où les Bleues seront présentes.

Par ailleurs, la France est candidate à l’organisation de la Coupe du Monde Féminine de Football en 2019. La réponse sera donnée en mars 2015 par la FIFA. Cela représenterait une véritable opportunité de développer la pratique et de promouvoir la place des femmes dans le football.

a France organisera aussi pour la première fois le Championnat d’Europe de handball féminin en 2018, et la responsabilité de l’organisation de cette compétition pourrait être confiée à une femme…

Des stratégies pour développer l’axe « sport et femmes »

La médiatisation du sport féminin doit être observée ailleurs qu’à travers le seul prisme de la retransmission télévisuelle et des droits TV pour espérer se développer.

L’étude de l’information, de la communication et de la promotion de cet axe « sport et femmes » par les clubs, les instances départementales, régionales, les fédérations, les ligues féminines et les athlètes elles-mêmes laisse un champ considérable de progrès. Des outils existent réellement et l’espace est vaste et varié. Il sera pris par ceux et celles qui oseront poser un nouveau regard et proposer une nouvelle stratégie.
Deux évènements ont pris une place importante dans tous les médias à la mi-année 2014 concernant deux femmes de terrain : l’arrivée de Corinne Diacre à la tête d’un club professionnel masculin évoluant en Ligue 2 à Clermont-Ferrand d’une part, et l’accession de l’arbitre centrale Stéphanie Frappart en Ligue 2 professionnelle masculine, devenant ainsi la première femme à diriger le jeu à ce niveau. Ce sont des performances personnelles qui ont poussé la presse à relayer ces informations qui représentaient des « premières ».

Information : temps, place, droit ?

Finalement, les femmes, qu’elles soient pratiquantes, dirigeantes, arbitres, éducatrices ou supportrices, s’interrogent à juste titre sur la possibilité d’un droit à l’information dans les créneaux médias du sport. Peu de femmes ont le loisir de s’exprimer dans les émissions sportives…
Pourquoi ne pas imaginer, par exemple, que puisse être réservé un temps et une place obligatoire à l’information concernant le sport pratiqué ou dirigé par les femmes dans tous les médias ?
Le silence assourdissant concernant les compétitions féminines, les performances réalisées lors de celles-ci mais aussi les métiers du sport exercés par les femmes, doit être rompu.
La réelle présence et la place de la femme dans le sport sont des choix et constituent un véritable engagement pour toute la Société.

L’information au cœur du sport est un droit.